Drafting : inspiration, aspiration.

Publié le par JFC

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Drafting

INSPIRATION, ASPIRATION

jeudi 16 juin 2005,  in pucroller.com

 


Le drafting est une technique bien connue (mais connaît-on vraiment l
’invisible ?) de tous ceux qui évoluent dans un fluide qu’il soit aérien ou liquide : des volatiles ultrafondeurs qui n’ont pas eu besoin de passer un doctorat ès aérologie et mécanique des fluides, aux camionneurs autoroutiers peu scrupuleux des distances de sécurité, en passant par les cyclistes, nageurs, patineurs, et autres pilotes de nascar racing, ce phénomène quasi intuitif mais hyper complexe, est un facteur de performance incontournable et pimente de sa subtilité tactique, les phases clés d’une course en ligne.

undefinedJe ne suis pas un spécialiste, mais un court passage du blog 24h00solo tm d’un authentique DjeanT pimsovore m’a questionné : je livre ici le résultat de mes recherches.

Faute d’un étude scientifique dédiée réellement aboutie, il est difficile de quantifier et prôner telle ou telle approche, telle ou telle valeur : chacun demeure libre de conclure et d’extrapoler à l’aune de son expérience et de ses convictions. Si vous avez des relations et connaissez une vaste soufflerie (tunnel of winds) disponible dans les environs, il y a matière à expérimentation.


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  •   la résistance de l’air croît avec le carré de la vitesse et la surface de contact : donc, plus vous êtes baraqué et surtout plus vous allez vite, et plus vous devez vous employer à briser le mur de molécules devant vous. Ca se complique avec un vent de face, car ce n’est pas votre vitesse au sol qui compte dans la formule, mais votre vitesse relative, laquelle est donc cumulée et renforce le "freinage" de l’air. Comme le but n’est pas trop de lever la pédale, il ne vous reste guère plus que le levier de la surface à actionner, d’où une position et des tenues les plus aérodynamiques possibles pour minimiser votre coefficient de pénétration. Si vous êtes deux et plus si affinités, miracle de la nature, un second levier de réglage s’offre à vous : le drafting.
  •   le drafting consiste par le jeu dynamique de phénomènes physiques de pression-dépression d’un objet en translation dans un fluide qu’il perturbe, d’augmenter sans frais (sans effort ou puissance supplémentaire) sa vitesse de déplacement par l’adoption d’une géométrie de pénétration collaborative optimale qui booste les paramètres du mouvement d’ensemble. Ce qui veut dire qu’à plusieurs : on va plus vite que séparément à puissance constante, ou bien encore, on se fatigue moins à vitesse égale. Bref, rien que du bénef et c’est 100% gratuit !
  •   la distance optimale entre deux objets serait de 1m50 dixit le cycliste éclairé de thibaut : plausible si l’on considère l’écart corps-corps (donc roues quasi collées comme au cyclisme sur piste par équipes), moins s’il voulait dire la séparation inter-roues. Corollaire important et inattendu en roller : il serait alors inutile de "coller" au patineur de devant... ! A vérifier scientifiquement, car contre toute attente bien qu’il faille prendre en compte les différences de propulsion et de silhouette qui doivent influer grandement sur les paramètres et la nature des vortex.
  •   sauf que : cet écart de basse pression est effectivement corrélé à un phénomène de retour de force qui n’est pas une lubie (pour autant qu’il ne soit pas négligeable par rapport à des vitesses de 30-40 km/h : le drafting en lui-même paraît insignifiant à l’instant t, mais ne l’est plus du tout sur la durée ou la distance d’un marathon, les fondeurs à pied, < 20 km/h, le savent bien et le pratiquent également dès qu’ils le peuvent). Ce phénomène de retour de force (écoulement tourbillonaire qui revient dans le dos) ne se déclenche qu’à une distance critique (corps-corps) voisine de 50-60cm je dirais.

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Il faut comprendre que deux patineurs "collés" forment une aile en quelque sorte et que cette aile pénètre donc mieux dans ce fluide de gaz nommé air. Ceux qui auront fait un peu d
’aéromodélisme (planeur) auront expérimenté ce fait : prenez un tuyau de pvc ou balsa à section ronde et faites-le tournoyer dans l’air, puis prenez deux tuyaux côte à côte et recommencez ; vous sentirez que ça tourne sensiblement "mieux", d’autant plus si vous rajoutez d’autres cylindres et si vous enrobez le bord d’attaque de cette structure d’une coiffe en forme de goutte (un profil d’aile à l’arrivée). La même chose est plus flagrante sous l’eau : les sous-marins et les torpilles ne sont pas sphériques (la forme ronde résiste pourtant le mieux à la pression des abysses) mais profilés oblongs (une suite de sphères) comme on sait. Plus hard mais démontré scientifiquement, une balle de golf est alvéolée non pas pour faire joli ou sa chochotte de balle de golf et pas de tennis ou de ping pong , mais pour fuser encore plus vite dans l’air en réduisant et concentrant notablement sa traînée aérodynamique (les déformations de surfaces concaves sont étudiées pour lui conférer une efficacité de balle de fusil full metal jacket : les ondelettes de choc de Matrix).

Donc nos deux patineurs (à noter que d’après certaines abaques, 5-6 cyclistes, donc 10-12 patineurs, constituent le train d’onde le plus efficace) ont la bonne idée de former une aile, une torpille, une fusée, un missile, un croiseur de l’Empire, as you want, mais ils n’ont pas de voilure pour canaliser l’écoulement des filets d’air qui leurs glissent autour du casque et de la combinaison. Comme il ne sont pas siamois ni mutants avec capacité à fusionner pour autant, il reste un trou entre les deux, le fameux intervalle qui va conditionner les propriétés du mobile collaboratif qu’ils forment.

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on a deux systèmes mobiles indépendants (2 mini ailes) : les lignes de forces du vent relatif se compressent sur les contours pour resortir derrière en paquets de remous (la traîne) qui équivalent à des parachutes ralentisseurs...

 

  •   Au delà d’une limite max (2 m ?) : le filet dorsal du premier re-rentre et tourbillonne, et annule de fait la dépression aspiratrice (déficit de molécules concentrées sur le pourtour de l’écoulement), le mobile global se scinde en deux -> courses individuelles séparées à l’arrache.

 

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les deux mobiles n’en forment plus qu’un (une aile imparfaite), les lignes d’air surpressionnent les bords d’attaque et de fuite de l’aile formée, créant un "vide" dépressionnaire dans le trou entre patineurs ; une espèce de résonance stationnaire, fait que les remous descendants "reviennent" dans le dos des sujets, induisant un force motrice inattendue qui vient se rajouter à la force augmentée de pénétration dans l’air de l’ensemble ; c’est l’aile optimale et c’est tout bénef pour tout le monde.

 

  •   A partir d’un certain seuil et en deçà de la limite max : le filet dorsal rallongé et amplifié par le train des deux entités, retombe dans le dos du système et le pousse (effet retro turbo), c’est sans doute minime mais c’est toujours ça à prendre, il n’y a pas de petit profit surtout sur la longueur ou la durée.

 

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au plus près de l’ouvreur, le suiveur se cale dans la dépression aspirante, mais l’aile a rétréci, elle est optimisée, il n’y a plus l’effet rétro de la turbulence, l’efficacité de pénétration est moindre donc la survitesse globale n’est plus optimale, le premier travaille pour le second bien que le second lui serve à aller plus vite même en se reposant ; à moins qu’un relais ne vienne équilibrer les efforts, le second sera sensiblement plus frais et réactif dans un petit moment... Il pourra alors essayer de griller le premier, mais en se faisant la belle, il ne pourra plus compter sur la survitesse du peloton et redeviendra un échappé standard, qu’un peloton de poursuivants aura tôt fait de rattraper et bouffer à son tour... A moins que la ligne soit suffisamment proche pour empêcher ce retour, ou que surgisse une bonne (série de)montée(s) qui réduise(nt) les effets du drafting (survitesse annihilée par le manque de vitesse, donc l’absence de front d’air)... C’est ainsi qu’on peut gagner en s’échappant en solitaire dès les premiers km d’une étape de montagne (si on est déjà un bon grimpeur et un excellent descendeur - la descente en peloton, en cyclisme : faut oser ; en roller : la chenille et ça donne des grappes de fondus qui dévalent à 80 km/h, les pentes d’Engadin : coup de chaleur garanti pour les premiers - démonstration parfaite de l’effet conjugué de la pesanteur et du drafting de masse à haute vitesse : les descendeurs solitaires bien qu’à fond tout schuss, font du sur place et se prennent 500m quasi irrattrapables dans le nez).

  •   En dessous de ce seuil de déclenchement jusqu’au quasi contact, la dépression est maximale (aucune entrée pour un filet retombant parasite intercalé), "le suceur" est bien à couvert dans "l’ombre" ou la vague de "l’ouvreur" (lequel doit se sentir du coup plus "léger" dans le dos : en nascar racing, ce phénomène se traduit en virage par une perte d’adhérence intempestive du train arrière de la voiture leader, qui a alors l’impression que sa suiveuse vient de lui taper dans le cul, alors qu’elle est déjà en train de profiter de ce "chassage" aérodynamique provoqué à dessein, pour la dépasser par l’intérieur), il ne se "fatigue" pas certes, mais il n’y a plus de rétro-poussée (surf), l’aile est moins "longue" donc moins rentable (plus instable) et surtout la distance de sécurité annulée augmente drastiquement le risque d’épouser le destin de l’autre ou de morfler tout seul sur un impondérable prédictif à vue.

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Ce qui veut dire pratiquement :

  •   quand vous draftez (êtes derrière) un équipier : vous avez tout intérêt à vous situez sur ce seuil fatidique qui permet à votre train un maximum de vélocité donc à votre locomotive une petite économie de puissance bienvenue.
  •   si c’est un adversaire réputé un peu plus fort que vous (d’homme à homme en couloirs séparés) : vous avez intérêt à le "coller" sans prendre de relais (ou en faisant mine d’en prendre), pour lui en faire baver un max et réduire l’efficacité de la survitesse de peloton (s’il faut attendre le grupetto de collègues en chasse), tout en sirotant votre banga, en attendant qu’il craque (gare aux gifles, crachats et noms d’oiseaux d’une certaine catégorie d’énervés au bord de la rupture).
  •   si c’est un adversaire qui doit vous servir à prendre de l’avance (échappée) et éliminer d’autres adversaires : collaborez au seuil, le temps de faire le trou, puis recoller pour l’user et vous économiser avant le sprint d’arrivée. C’est d’autant plus marrant, si de son côté, il vous assène en douce la même tactique (un patinage de gogol - vas-y que je te shoote le tibia - peut (vous) l’inciter alors à reprendre un peu de distance équivalant au seuil retro de rentabilité max)...

Ce réglage peloton +/ peloton -, à prendre avec des pincettes, constitue la grande nouveauté à intégrer pour beaucoup d’entre nous et moi le premier.

Tout cela mériterait une petite thèse pour prouver son efficience : Alexandre D (futur grand ingénieur découvreur) si tu nous entends, le Nobel t’attend.

undefinedCe qu’il faut retenir :
  •   le drafting est incontournable pour aller plus vite sans se consommer *.
  •   c’est une philosophie collaborative win-win : il est profitable aussi bien à l’homme de tête qu’à ses suceurs de roues, seuil rétro (profit max) ou pas (profit min), relais alternés (dynamique soutenue) ou non (chute de dB progressive//usure de l’homme de tête). Si l’un des maillons rompt la chaîne, les bénéfices s’écroulent. Il n’est pas besoin de rouler "plus fort" en tête qu’en individuel ou en deuxième position, puisque la survitesse est automatique dès lors que le peloton est correctement formé.
  •   son rendement (la survitesse générée) est maximal si la géométrie d’ensemble est parfaitement maîtrisée : respect des distances 50-60 cm, synchronisme parfait, nombre optimal 10-12 patineurs (régularité, rigidité et longueur de l’aile).
  •   ses subtilités de réglages, deviennent des armes tactiques fines pour qui sait les utiliser.




PS : si les oies sauvages volent en V, ce n’est pas pour épater la galerie ou conjuguer le verbe voyager ou signaler la direction du vent, mais tout simplement parce que le tunnel de dépression (vortex) se situe au bout de leurs ailes, propriété bien connue des avionneurs (mini ailerons ou tiges stabilisatrices) et des pilotes privés (ne jamais décoller ou atterrir derrière un gros porteur). Ca vous en bouche un coin coin, pas vrai ?

* démonstration à la maison : une feuille de papier sur la tranche volera plus vite que la même feuille de papier de face ; deux feuilles de papier scotchées sur la tranche voleront plus vite et plus loin, à même impulsion donnée, que deux feuilles séparées

 

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